Japon – L’hiver japonais
Emilie
Posted on February 6th, 2014
Y a marqué 7•C sur le thermomètre de la photo. Non, ce n’est pas la température de dehors. C’est celle de mon salon le matin. Voilà.
Ohayou!!
Y a marqué 7•C sur le thermomètre de la photo. Non, ce n’est pas la température de dehors. C’est celle de mon salon le matin. Voilà.
Ohayou!!
J’ai juste à traverser la rue et pousser un noren pour faire un retour intime dans le temps. Un de ces endroits typiquement nostalgiques du Japon duquel aucun touriste n’ose faire coulisser les portes fermées. Car il ne sait ni ce qu’il y a derrière, ni si ce qu’il aimerait tant faire n’est pas une entorse aux conventions sociales dont le pays est pétri. Parfois pourtant, l’appel, la curiosité, l’envie de goûter à cette vie japonaise est plus forte que les préjugés. Alors, on prend une grande inspiration et l’on pousse la porte.
C’est ce que j’avais fait il y a 3 ans, pendant un hiver à Kyoto en rentrant dans ce sentō. Le froid mordant et le plaisir de se plonger dans une eau bouillante avaient su inhiber ma timidité de gaijin. J’avais tout préparé: serviette, gel douche, shampoing, gant, crème, peigne, le tout dans un petit sac, et la tenue négligée comme si le rituel était habituel, quotidien. Faire comme eux. J’avais soulevé le rideau siglé d’un gros ゆ ‘yu’ rouge que je ne savais ni lire, ni prononcer à ce moment là. Une première fois qui a été suivie par plusieurs autres, comme celle d’hier.
Le rituel commence par cette même constante dès lors que l’on pénètre dans un intérieur japonais: enlever ses chaussure, les mettre dans une des cases en bois patiné par plusieurs dizaine d’années, et en garder cette grosse clé. Ou pas, car certains laissent leurs chaussures sans s’inquiéter d’un quelconque voleur. Qui les volerait d’ailleurs? Aux vues du casier et du carrelage, je me dis que ce sentō doit bien avoir 50 ans…En fait, il est là depuis 1919, la 8e année de l’ère Taisho. Dans l’entrée, un déambulateur attend. Le ton est donné. L’ambiance est bien différente de celle qu’on l’on trouve dans le luxe des onsen, où toutes les générations en état de voyager se croisent.
Dès que je fais coulisser la porte, un ‘Ookini!’ sonore se fait entendre. Derrière un minuscule comptoir qui sépare l’entrée des hommes et des femmes, une dame qui semble avoir toujours été là, discute avec les habitués et accueille les nouveaux, sûrement pas nombreux…Se rappelle-t-elle de moi depuis la dernière fois, il y a quelques mois? Peut-être, elle me fait un grand sourire. Il n’y a probablement pas beaucoup d’étrangers qui viennent ici. Dans la salle où l’on se déshabille, encore un vieux casier en bois typique des bains publics de l’ère Showa et sa trentaine de cases qui contiennent chacune un panier en osier numéroté. J’en sors un, y pose mes affaires, le rituel continue. Faire comme si j’avais fait ça des dizaines de fois. Faire comme si l’on était chez soi.
L’atmosphère est cosy. Le bois, le bambou, les vieilles peintures, la télé – un écran plat évidemment- allumée en permanence, c’est agréable. Et c’est vraiment lorsque l’on est nu que l’intimité est là, qui plus est quand j’entends dans mon dos la discussion qui se poursuit entre Okasan et l’autre femme qui finit de s’habiller. Elles commentent les infos à la télé, le nouveau billet de 1000 yens qui sera imprimé l’année prochaine et les dates sur leurs pièces de monnaie. Je me prépare en écoutant. Je n’ose pas intervenir comme les Japonaise le feraient…
Dans la salle des bains, il y a un grand aquarium où nagent de jolies carpes. Il est récent, installé là depuis 2010. Les bains ne sont pas grands mais il n’y a jamais grand monde. Il y a en un où bouillonne une eau vert pomme. Au dessus, une pancarte trompeuse informe: “Essence du jour: jasmin”. C’est toujours du jasmin. Je me lave. Je repense à ces estampes de sentō où l’on y voit ces femmes qui s’occupent de leur enfants, ces grand-mères qui se frottent le dos, et d’autres penchées en avant se lavant les cheveux. Inconsciemment, je reproduis la scène, comme si je faisait partie de ces estampes.
Une dame rentre. “Aahh! Koonbaanwaa!” Elle retrouve son amie – comme chaque semaine? chaque soir? – et toutes deux commencent une conversation animée, en se frottant le dos chacune à leur tour. Tout en regardant évoluer les carpes dans l’aquarium, je profite de ces bains brûlants d’une eau venant de la grande nappe sous Kyoto. Toute l’eau qui coule dans les tuyaux de la ville, qui sort des robinets, vient de là. Une eau douce qui fait mousser le moindre copeau de savon.
On ne reste pas longtemps dans un bain à plus de 40°C. Il est conseillé de ne pas s’attarder plus de 20 min, car la température interne du corps augmente et l’on risque une surchauffe de la machine. Un dernier rinçage et je sors de la salle. Sur les étagères, attendent les bassines et les savons des habituées, leurs affaires restent là jusqu’au prochain bain. On vient ici comme on irait chez un ami. Des tapis à l’effigie d’Anpanman et petites fleurs, une table à langer laissent penser que la venue d’enfants est récurrente. Le reste de la pièce est un savoureux mélange de mobilier, décoration et fauteuils électriques des années 70.
Je finis de m’habiller, je pense à toutes les questions que je vais poser à Okasan, la dame du comptoir. Quel âge à ce sentô? Depuis combien de temps le gère-t-elle? Est-ce toujours aussi populaire qu’avant? Depuis l’arrivée de la baignoire dans les maisons, a-t-on vraiment besoin d’aller au bain public? Surtout vu le prix. 410yens, ce n’est pas donné. 4 pièces de 100 et une pièce de 10, cela représente-t-il beaucoup pour une personne âgée au Japon? Un bain partagé en famille à la maison coûte sûrement moins cher.
Mais alors que je m’apprêtais à sortir, une autre dame est entrée et une autre discussion a commencé. J’ai encore été trop timide pour aborder cette dame derrière ce comptoir. A son allure et son style, on dirait une obaasan d’Osaka, ces grand-mères un poil sans-gêne mais toujours accueillante. J’ai encore raté une occasion de m’approprier un peu de cette intimité; je ne fais pas encore partie de ce quotidien. Tant pis, ce sera pour la prochaine fois. Mercredi, peut-être? Le froid qui s’installe sera une bonne excuse pour y retourner. Un bain dans le quotidien de l’ère Taisho et Showa, ça n’a pas de prix.
Ouais, enfin, on parle d’un pays qui communique encore ses idées via des pancartes en carton à la télé.
Oui, à l”heure où le monde entier utilise tablettes et autres écrans LCD pour l’affichage, le Japon se traîne avec d’énormes sacs plastiques qui contiennent ses panneaux explicatifs. Souvent si on a le temps, et pour faire durer le suspense insoutenable des révélations, on cache certaines parties des infos sous des adhésifs que l’on décolle au moment opportun…
Et les politiques, au parlement, ne font pas exceptions >_<
(Bon, je vous rassure, ils utilisent aussi de la technologie moderne à la place des cartons…)
Avant d’être (trop) écrasée par les montagnes de boulot qui attendent que je les surmonte, je m’étais inscrite pour participer à un programme de volontariat pour les victimes du tsunami. Le principe: prêter nos blanches mains et donner de notre temps pour aider les zones sinistrées. Tout cela via la coopérative d’Osaka. Départ un vendredi soir d’Osaka pour la ville d’Otsuchi dans la préfecture d’Iwate, après un périple de 15 heures de car. Epuisant car sans sommeil.
Le petit matin s’est fait près du Mont Bandai dans la préfecture de Fukushima. Un ciel rose et bleu sortait de derrières les monts et une brume s’élevait peu à peu au dessus des rizières et du lac Inawashiro. Un spectacle splendide à couper le souffle. Et la région est magnifique lors de la saison des érables rouges. On espère d’ailleurs y ailler d’ici peu :) Nous sommes arrivés à notre destination vers 12h.
Otsuchi est un petite ville où, bien sûr, toutes les habitations dans l’embouchure de la rivière ont été submergées. Et tout a été rasé en espérant reconstruire bientôt. Seule la mairie où des gens y sont décédés est gardé en l’état pour le souvenir. Il n’y a donc plus rien. C’était les mêmes terrains envahis par les herbes et les gravats quand la préfecture du Miyagi. Voir, c’est impressionnant. Se souvenir de ce qui s’est passé, c’est émouvant.
Notre lieu de travail était un peu plus reculé dans la vallée que la vague n’a pas atteinte. Le long de la route, on voit encore que la vie quotidienne se passe dans des baraquements préfabriqués: logements, poste, petits commerces, clinique…Il faut que j’arrête de me dire que les Japonais s’accommodent de tout. C’est faux. Personne n’est heureux d’avoir perdu sa vie et de devoir vivre dans une pièce d’à peine 10 tatamis.
On arrive enfin. On ous explique notre travail: un jardin aromatique est en développement, c’est pour le futur café-pizzeria (avec superbe four à bois) qui a été construit par une ONG américaine. Je trouve l’idée très…déplacée. “Un café alors que des gens habitent encore 2 plaques de tôle? Et pourquoi une ONG américaine, pfff, tu m’étonnes que c’est pour de la pizza.”
Mais je suis stupide. Pourquoi les gens d’Otsuchi n’auraient-ils pas le droit de voir ouvrir un café? Ils l’ont peut-être demandé. Et je ne connais rien à ce projet. Alors je ferais mieux de m’abstenir de juger. C’est ça, ferme ta bouche et bosse. Pense aux enfants qui seront heureux de sortir de leur 10 tatamis pour manger une super bonne pizza. Alors, je me mets au boulot comme tout le monde. Par contre, ce qui est vraiment dommage, c’est qu’on a travaillé seulement 4 heures dans tout le week-end dans ce jardin. Dommage, ça sentait super bon le basilique te la lavande.
Le jardin était entouré de bois où des ours y habitent (!!) et aussi des rizière où poussait du riz à saké. C’était la période de récolte, et l’on pouvait voir quelques personnes s’affairer sur leur machine. Un des récoltant nous a autorisé à reprendre un brin. J’ai demandé quelle sorte s’était mais j’air ien compris à la réponse. Tant pis. Le brin est maintenant chez moi :) Je suis heureuse. Je vais me renseigner.
Otsuchi était aussi en période d’aki masturi (festival d’automne). Il parait que c’est un matsuri très connu dans la région. Il y a des tigres un peu rageux qui sortent et dansent un peu partout. J’en ai vu un danser près d’un étale de poteries dans le centre commercial. Je crois que le gérant avait un peu peur pour sa marchandise, parce qu’il y avait beaucoup de monde qui regardaient plus le tigre qu’où ils mettaient les pieds et les danseurs sautaient et se roulaient à terre de manière très…bestiale ^_^
J’ai une jolie panoplie d’articles à vous écrire, mais les journées défilent à une vitesse phénoménale? Je n’ai pas le temps de remplir les pages de ce blog. Il y a pourtant beaucoup à raconter. Je vais y aller à rebours, à la bourre…
Pour le boulot (la booonnnne excuuuse), on est allé sur l’île de Shikoku pour 4 jours. Un petit trip Osaka- Tokushima- Vallée d’Iya- Kochi- Tokushima- Osaka. Osaka-Tokushima s’est fait en ferry via le port de Wakayama. C’est très pratique et pas cher (2000 yens train+ferry sur les lignes de la Nankai). Et si vous possédez une voiture, vous pouvez l’embarquer sur le bateau.
Arrivés à Tokushima, nous avons rencontré un ami de Sacha (Bemmu de Candy Japan, un grand inspirateur de la Washi Box). Nous avons mangé des soba (car c’est la spécialité – de toute l’île ?), arpenté le mont Bizan via le rope way. Puis nous sommes allé chercher notre voiture ^______^ Maintenant que j’ai mon permis japonais, je peux conduire où je veux :D Enfin presque, parce que la location de voiture pour un conducteur de moins d’ un an ne se fait pas partout. Cet article ici (JP) m’a bien aidé >_<
Grâce ce sésame magique, mieux qu’un tapis volant, nous avons pu profiter (un peu) de la vallée d’Iya. Un ensemble de gorges un peu difficiles d’accès, où les transports en commun (trains et bus) sont peu fréquents. Mais avoir une voiture nous a fait pensé que cela nous ferait gagner du temps. Gros malins que nous sommes, nous avons voulu prendre ces petites routes de montagnes parce que les gorges sont jolies disent les guides.
Sauf que. Arrivés à peut-être 15km de notre destination, la SEULE route pour atteindre notre hôtel était bloquée pour travaux. 3h de route depuis Tokushima pour rien. Nous avons du faire demi-tour, remonter sur l’autoroute au nord de l’île pour redescendre dans la vallée via l’ouest. 3h de plus. Heureusement, il n’ y avait pas beaucoup de monde la nuit sur ces routes de montagnes. Nous avons seulement croisé un sanglier et un daim ^_^ Sympa.
Notre destination/hôtel était une ferme traditionnelle rénovée en gîte avec TOUT le confort moderne (oui, même avec internet!). Une pièce avec cuisine et salle à manger et une autre avec l’âtre au centre et une sublime vue sur la vallée. Magnifique! Le seul point négatif, c’est qu’installer des futons à côté de l’âtre a fait voler pas mal de cendres. Il faut faire attention donc. Comme nous ne restions qu’une nuit, j’avais voulu me réveiller à 6h du matin pour voir le soleil se lever. Peine perdue, la vallée était totalement sous les nuages. Mais c’était vraiment magique et une courte sortie dans la bruine du matin a eu un peu dissipée ma fatigue.
Le lendemain, direction quelques points touristiques dans la vallée, notamment les kazurabashi, des ponts (hashi) en liane (kazura). Ceux d’OkuIya étaient bien plus intéressants que le premier sur la route 439 en venant d’Oboke. Vraiment pas facile de marcher sur les planches qui font les ponts, surtout lorsque ça glisse parce qu’il bruine. A Okuiya, il y en a 2 : un pont pour homme et un pont pour femme. Ahaha, sacrés Japonais! Toujours la galanterie. Et il y avait un chariot suspendu au dessus de la rivière pour encore plus de fun!
Et bien entendu, en tant que géologue amateur qui se respecte, j’ai ramassé plein de “cailloux” ^_^ Des superbes spécimens de schistes vert, qui résultent de l’enfoncement du fond des océans sous le Japon et qui remontent sur Shikoku. Je vous jure, c’est passionnant et c’est beau (quand on sait de quoi il retourne). Nous sommes aussi allés voir la cascade de Biwa, où l’on nous a offert des pins “Visit Japan- Shikoku” par 2 messieurs sûrement de l’office de tourisme de l’île. Puis direction une onsen pour clore cette journée de tourisme “japanese style, you know” :D
Puis le soir, encore de l’autoroute la nuit sous la pluie (avec une expérience de la route de 10h à peine, oui, j’ai peur de rien), arrivés à Kochi :) Chouette dîner dans un restaurant de poissons frais (I ❤ sashimi) puis dodo parce que le lendemain, j’avais meeting avec une partie de l’équipe qui sera sur le Chikyu pour notre expédition en décembre/janvier.
Matin tranquillou, après-midi meeting et soirée en izakaya (“japanese style, you know” bis). Le mercredi, re-meeting matinal et après-midi passé à manger du katsuo tataki (bonite légèrement grillée, une spécialité de la région) et un énorme Ryoma burger. Ryoma Sakamoto est le héros régional (et mon amoureux japonais). Puis retour sur Tokushima pour rendre la voiture et reprendre le ferry pour Osaka.
Ces 4 jours n’ont pas été reposant du tout!! Et maintenant, je suis super fatigue avec des heures de sommeil en retard à rattraper…